Édition du lundi 12 décembre 2005
Recours contre l'état d'urgence : les conditions nécessaires à la suspension ne sont pas réunies, estime le Conseil d'Etat
Le Conseil d'Etat a rejeté vendredi 9 décembre la requête présentée par quelque 70 juristes qui demandaient la suspension de l'état d'urgence au motif que l'ordre était revenu en France, selon un communiqué.
Une délégation du collectif «Place aux droits», qui regroupe plusieurs associations et syndicats, avait parallèlement remis jeudi une requête au Conseil constitutionnel demandant que soit déclarée inconstitutionnelle la loi du 18 novembre dernier prorogeant l'état d'urgence instauré durant les violences urbaines.
La délégation conduite par Jean-Paul Nunez de la Cimade a remis une requête signée par 5.219 citoyens et plus de 70 organisations et syndicats, selon un communiqué.
Le collectif argue que l'état d'urgence est un régime d'exception utilisé jusqu'alors dans des situations exceptionnelles et que son instauration lors des violences urbaines était disproportionnée.
Il souligne que l'instauration de l'état d'urgence est «par nature et par principe très dangereuse pour l'exercice des libertés publiques». Pour lui, le gouvernement l'utilise «comme un mode normal de gestion des crises et violences urbaines, susceptible d'être demain étendu à l'ensemble des conflits sociaux et d'instaurer insidieusement un régime d'exception permanent».
Pour défendre le maintien de l'état d'urgence, les représentants du ministère de l'Intérieur avaient invoqué la possibilité d'une reprise des troubles à l'occasion des fêtes de fin d'année.
Le juge des référés du Conseil d'Etat a tout d'abord écarté l'argumentation relative à l'incompatibilité de la loi du 18 novembre 2005 avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), au motif que ce moyen n'est pas susceptible d'être pris en considération par le juge des référés, eu égard à son office, dès lors qu'une telle incompatibilité n'a pas été constatée par une décision d'une juridiction statuant au principal sur une telle contestation.
Cependant, au motif qu'un régime de pouvoirs exceptionnels doit avoir par nature, dans un Etat de droit, des effets limités dans le temps et dans l'espace, le juge des référés a jugé que les modalités d'application de l'état d'urgence ne pouvaient échapper à tout contrôle de la part du juge de la légalité. Tout en reconnaissant que le président de la République dispose sur ce point d'un pouvoir d'appréciation étendu, il a donc accepté de se prononcer sur le moyen tiré de l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales.
A cet égard, le juge des référés a admis que les circonstances qui ont justifié la déclaration de l'état d'urgence avaient sensiblement évolué.
Il a toutefois jugé, après avoir rappelé la position adoptée par le législateur, qu'en raison notamment des conditions dans lesquelles se sont développées les violences urbaines, de la soudaineté de leur propagation, des risques éventuels de recrudescence à l'occasion des fêtes de fin d'année et de l'impératif de prévention inhérent à tout régime de police administrative, le chef de l'Etat ne pouvait être regardé comme ayant pris une décision entachée d'une illégalité manifeste en s'abstenant de mettre fin, dès à présent, à l'état d'urgence.
Les conditions nécessaires à la suspension n'étant pas réunies à la date à laquelle le juge des référés du Conseil d'Etat a statué, la requête a en conséquence été rejetée.
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